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Le cadre réglementaire et fiscale global des stablecoins de pays G20

I. RÉSUMÉ EXÉCUTIF. FRAGMENTATION RÉGLEMENTAIRE GLOBALE

A. Configuration systémique

La fragmentation réglementaire mondiale persiste, car l’absence d’un cadre unifié G20, malgré les recommandations du FSB de 2023, engendre un arbitrage réglementaire transfrontalier massif et des risques systémiques.

Les données de la feuille de route FSB/FMI (publiée entre octobre 2024 et octobre 2025) confirment cette situation critique. Bien que les plans réglementaires des membres du FSB montrent un taux d’implémentation d’environ 100% selon la revue thématique d’octobre 2025, moins de 50% des frameworks réglementaires ont été finalisés, d’après l’examen par les pairs du FSB, signalant des lacunes majeures.

Concernant spécifiquement la régulation complète des stablecoins, le taux d’implémentation n’atteint que 39% (hors FSB) et 63% (membres FSB), tel qu’indiqué dans la feuille de route conjointes FSB-FMI.

De plus, l’alignement avec les recommandations du FSB lui-même est jugé « limité » par la revue d’août 2025, révélant des « écarts significatifs ». La coopération transfrontalière reste également « fragmentée » à la date d’octobre 2025, témoignant d’une coordination insuffisante.

Arthur Yuen (HKMA), dans son verdict du FSB en octobre 2025, a conclu que « les progrès de mise en œuvre restent incomplets, inégaux et incohérents« , créant des occasions d’arbitrage réglementaire et complexifiant la surveillance du marché des crypto-actifs, intrinsèquement global et en constante évolution.

Les stablecoins évoluent dans une zone grise juridique mondiale malgré l’urgence exprimée par le G20. Trois constats systémiques majeurs le prouvent : premièrement, une fragmentation réglementaire où chaque juridiction du G20 (MiCA, États-Unis, Japon, Chine) adopte des cadres incompatibles entre eux.

Deuxièmement, cette incohérence encourage l’arbitrage réglementaire par les émetteurs qui pratiquent le « jurisdiction shopping« , privilégiant des juridictions offshore ou peu régulées.

Troisièmement, cela engendre un risque systémique important, car plus de 200 milliards de dollars en stablecoins circulent sans supervision harmonisée.

Le verdict est alarmant : une fenêtre de 12 à 24 mois est critique avant que ne survienne soit une harmonisation forcée provoquée par une crise systémique, soit une balkanisation permanente des systèmes, entraînant la fin de l’interopérabilité transfrontalière.

II. FRAMEWORK FSB/IMF. STANDARD GLOBAL NON CONTRAIGNANT

A. Recommandations FSB 2023

Cadre conceptuel vérifié 2023

FSB Framework 2 pilliers

Pillier 1 Crypto-Asset Activities (CA Recommendations)

Le FSB a diffusé ses recommandations de haut niveau en juillet 2023, structurées autour de deux piliers : les activités liées aux crypto-actifs (CA) et les arrangements de stablecoins globaux (GSC).

Le Pilier 1, basé sur le principe « Même activité, même risque, même réglementation », couvre les activités CA. Il impose une licence par autorité nationale compétente pour les prestataires de services (ex. : échanges, dépositaires).

Des exigences de gouvernance (conseil d’administration, gestion des risques) sont requises pour les émetteurs et intermédiaires. Le capital doit être proportionnel aux risques. La garde des actifs clients nécessite une ségrégation. La transparence des opérations et des risques est obligatoire (Disclosure).

Les normes du GAFI s’appliquent à tous pour l’AML/CFT, et des mécanismes de coopération transfrontalière sont prévus pour les autorités.

Le Pilier 2 concerne les GSC, définis comme des stablecoins à potentiel usage multi-juridictionnel significatif. Les exigences spécifiques incluent des réserves 1:1 composées d’actifs liquides et ségrégués, ainsi qu’un droit de rachat à tout moment avec parité.

L’émetteur doit être clairement identifié dans une juridiction précise, et un mécanisme de stabilisation robuste est exigé pour maintenir le peg.

Des rapports réguliers aux autorités et des standards techniques pour l’interopérabilité transfrontalière sont nécessaires. Enfin, un plan de résolution et de récupération (incluant le bail-in) doit être établi, sous la supervision d’une autorité principale en coopération internationale.

B. État d’implémentation (à la date de décembre 2025)
Données FSB Peer Review (aout 2025)
Progrès général

Concernant l’état d’implémentation (oct 2025), basé sur les données FSB (août 2025), les juridictions FSB montrent un développement réglementaire quasi complet mais moins de 50% de frameworks finalisés et un alignement FSB limité.

Pour les non-FSB (13 pays), seulement 63% ont des régulations crypto et 39% pour les stablecoins, avec moins de 50% prévoyant une conformité FSB d’ici 2025. Les lacunes majeures sont : incomplétude (couverture ex: AML/CFT sans stability), incohérence (stablecoins mal définis), manque de coopération transfrontalière et peu de cadres spécifiques pour les Global Stablecoins (GSC). Le FSB note que même les cadres finalisés montrent un alignement incomplet sur leurs recommandations, particulièrement pour les stablecoins et les prestataires de services crypto.

« Even where regulatory frameworks are finalised, full alignment with the FSB recommendations remains limited, especially with regard to stablecoin arrangements and crypto-asset service providers. »

III. JURIDICTIONS G20. ANALYSE COMPARATIVE

A. Tier 1 Frameworks avancés (MiCA, Japan, UK)

🇪🇺 Union Européenne : MiCA (Markets in Crypto-Assets)

Cadre juridique (application au 30 Déc 2024)

L’Union Européenne déploie le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), le cadre juridique le plus complet au monde pour les crypto-actifs, applicable dès décembre 2024. MiCA se concentre principalement sur les jetons adossés à des actifs (ART) et les jetons représentant des monnaies électroniques (EMT).

Les émetteurs doivent être établis dans l’UE ou désigner un représentant. L’autorisation est délivrée par les autorités nationales (comme l’AMF en France ou la BaFin en Allemagne).

Des exigences strictes s’appliquent aux réserves (1:1, actifs liquides de haute qualité), à la conservation (ségrégation, custodian indépendant), et à l’audit (mensuel par un tiers).

Les utilisateurs bénéficient d’un droit de rachat permanent à parité. La supervision est assurée par les autorités nationales, et par la BCE pour les entités jugées « significatives ». Des sanctions substantielles sont prévues. Plusieurs stablecoins ont déjà entamé leur enregistrement auprès de l’AMF (EURC, LUGH, EURS).

L‘USDT de Tether est en cours, mais fait face à des risques de rejet en raison de l’opacité de ses réserves.

Le stablecoin DAI est exclu car sa gouvernance décentralisée est incompatible avec MiCA.

MiCA génère un « Brussels Effect« , s’imposant comme un standard mondial car les acteurs internationaux s’y conforment pour accéder au marché européen (500 millions de consommateurs).

Les autorités non-membres (comme le Royaume-Uni ou le Japon) harmonisent partiellement leurs régulations, et les investisseurs institutionnels exigent cette conformité.

Toutefois, MiCA présente des lacunes : la finance décentralisée (DeFi) n’est pas couverte car elle manque d’un émetteur identifié. Les stablecoins algorithmiques de type Terra/Luna sont interdits.

Les NFTs sont exclus du champ d’application, sauf s’ils sont (i) fractionnalisés ou (ii) émis en série.

🇯🇵 Japon. Payment Services Act (PSA) and FIEA

Cadre juridique (2023-2025)

Status : Pionnier mondial régulation crypto (pre-dating MiCA)

Le Japon dispose d’un cadre juridique crypto (2023-2025) basé sur le Payment Services Act (PSA) et le Financial Instruments and Exchange Act (FIEA). Les stablecoins adossés à la monnaie fiduciaire sont régis comme des Instruments de Paiement Électronique (EPI) sous le PSA depuis juin 2023, avec une émission restreinte aux entités agréées (banques, prestataires de services de transfert de fonds, sociétés fiduciaires) exigeant un backing 1:1, ségrégation des actifs, garantie de rachat, conformité FATF et audits réguliers.

JPYC sera le premier stablecoin JPY autorisé en août 2025. Les crypto-actifs (BTC, ETH) sont sous le régime des services d’échange de crypto-actifs (CAES) du PSA (depuis 2017, amendé 2025). Les security tokens sont considérés comme des droits transférables enregistrés électroniquement sous le FIEA, nécessitant une licence FIBO de Type I.

La FSA japonaise prévoit un changement majeur en 2025 : transférer la régulation de nombreux crypto-actifs du PSA vers le FIEA (loi sur les valeurs mobilières), arguant que leurs transactions s’orientent vers l’attente de rendements, justifiant l’application du cadre d’investissement du FIEA. Les stablecoins (EPI) resteront sous le PSA en raison de leur fonction de paiement. De nouvelles exigences sont discutées pour 2025, incluant des divulgations détaillées avant-vente, l’identification de l’émetteur (même décentralisé) et une protection accrue des investisseurs via le FIEA. La FSA aligne sa réglementation avec les standards du G20, du FATF et cherche une synchronisation avec le MiCA de l’UE concernant l’AML/CFT, la cybersécurité et la protection des utilisateurs. Circle et SBI prévoient d’introduire l’USDC au Japon en 2025 sous ces règles.

🇬🇧 Royaume-Uni. Financial Services and Markets Act 2023

Cadre juridique (Post-Brexit, Post-MiCA) :

Status : Framework « MiCA-adjacent » mais distinct

Stablecoins régulation (2023-2025) :

FSMB 2023 (Financial Services and Markets Bill) :

Le Royaume-Uni a adopté le Financial Services and Markets Act 2023 (FSMB) pour établir un cadre réglementaire pour les crypto-actifs, distinct mais « MiCA-adjacent« .

La régulation des stablecoins débute en 2023-2024 (Phase 1), se concentrant sur ceux adossés à des monnaies fiduciaires à usage systémique, sous l’égide de la FCA et de la Banque d’Angleterre pour les risques systémiques. Les exigences incluent une autorisation FCA, une couverture 1:1 par des actifs de haute qualité, un droit de rachat rapide, la protection des fonds clients, la transparence, et la conformité AML/CFT.

Une phase ultérieure (2025-2026) couvrira les crypto-actifs plus largement, la garde et le trading. Le Royaume-Uni se distingue de MiCA par l’absence de plafond d’émission pour les stablecoins (évaluation systémique), des exigences d’audit moins strictes initialement, et une approche potentiellement plus souple de la gouvernance. La stratégie post-Brexit vise un avantage compétitif par des approbations plus rapides et une réglementation « proportionnée » pour attirer les entreprises crypto. La consultation sur la Monnaie Numérique de Banque Centrale (CBDC) est prévue en 2023-2024, sans décision d’émission à l’horizon de décembre 2025.

B. Tier 2. Frameworks en développement

🇺🇸 États-Unis. Fragmentation fédérale/États

Cadre juridique fragmenté (Problème structurel)

Absence législation fédérale complète (as of Dec 2025)

Autorités multiples (Overlapping jurisdictions)

Aux Etats-Unis, le cadre réglementaire des stablecoins est marqué par une fragmentation fédérale et étatique majeure, exacerbée par l’absence d’une législation fédérale complète en décembre 2025. Les autorités multiples (SEC, CFTC, OCC, FDIC, FinCEN) exercent des juridictions qui se chevauchent, créant de l’incertitude.

La SEC considère certains stablecoins comme des valeurs mobilières, tandis que la CFTC les traite comme des produits de base. Les exigences diffèrent fortement selon les États (ex. BitLicense à New York). En statut quo (déc. 2025), USDC (Circle) bénéficie d’une faible exposition au risque grâce à sa coopération avec la SEC, le considérant comme une marchandise, contrairement à USDT (Tether) qui fait face à un risque légal élevé en raison d’enquêtes en cours et d’opacité sur ses réserves, et BUSD (Paxos) qui est discontinué suite à un Wells Notice de la SEC. PYUSD (PayPal) est sous surveillance modérée. Les tentatives législatives, comme le projet de loi GENIUS Act (juillet 2025) visant à établir un cadre fédéral, sont en discussion mais non adoptées, entravées par les divisions partisanes et les conflits de compétence entre la SEC et la CFTC. Le Président’s Working Group (PWG) a émis des recommandations non contraignantes en juillet 2025 pour rationaliser les licences et améliorer la ségrégation des actifs. L’approche de la SEC, menée par Gary Gensler, privilégie la « réglementation par l’application », qualifiant agressivement la plupart des crypto-actifs de titres, ce qui incite à une migration des innovations vers des juridictions offshore (Cayman, Singapour, Suisse). Ce climat résulte en une incertitude réglementaire maximale, avantageant de facto USDC tout en laissant Tether très vulnérable.

Références

  1. FSB Thematic Peer Review (16 Oct 2025), FSB-IMF G20 Crypto-asset Policy Implementation Roadmap Status Report (22 Oct 2024)
  2. FSB (2023a) Global Regulatory Framework for Crypto-asset Activities, FSB (2023b) High-level Recommendations CA Activities, FSB (2023c) High-level Recommendations GSC Arrangements
  3. FSA Japan, Payment Services Act (amended 2022, 2025), FIEA, FSA Discussion Papers 2025
  4. Regulation (EU) 2023/1114 (MiCA), AMF, BaFin, ECB
  5. SEC, CFTC, OCC, FinCEN, US Congress, President’s Working Group 2025

© Steelldy Regulatory Compliance Framework and FSB/IMF Analysis 2025

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