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Les droits algorithmiques constitutionnels constituent une nouvelle catégorie de droits fondamentaux

Les droits algorithmiques constitutionnels constituent une nouvelle catégorie de droits fondamentaux qui émergent en réponse aux défis posés par l'utilisation massive des algorithmes dans les processus de décision publique et privée. Ces droits visent à protéger les citoyens dans un contexte d'algocratie croissante.

DROITS ALGORTIHMIQUES FACE À LA CRISE DU CONSTITUTIONNALISME

Cette recherche vise à exposer une crise de la norme constitutionnelle face à l’émergence de l’Algocratie. Le défi ne se limite plus à la simple existence des droits, mais concerne leur réelle application face à une autorité technique opaque.

I. PERSPECTIVE DROIT CONSTITUTIONNEL ET DROIT PUBLIC : LA DOUBLE ÉROSION DE L’ÉTAT DE DROIT

1. L’érosion de la souveraineté : la privatisation de la norme

Le défi majeur est la migration du pouvoir normatif. Lorsque la régulation d’une liberté fondamentale, comme la liberté d’expression (Constitution Art. 11 DDHC), est déléguée aux Termes et Conditions d’entreprises privées et à leurs algorithmes de modération, cela crée une souveraineté algorithmique concurrente à la souveraineté étatique.

  • Viol de l’art. 16 DDHC : cet article exige non seulement la garantie des droits, mais la séparation des pouvoirs. L’opacité et l’irresponsabilité algorithmique des acteurs privés rompent cet équilibre. Les décisions administratives automatisées (ex: Parcoursup) doivent rester, en droit public, des Actes Administratifs Unilatéraux (AAU), soumis au principe de légalité et au contrôle du juge (Conseil d’État). Or, la boîte noire technique vide ce contrôle de sa substance.
  • Le droit à l’intervention humaine (contrôle hiérarchique) : ce droit est la dernière ligne de défense de l’État de Droit. Il garantit que le fonctionnaire ou l’agent public reste l’auteur juridique de la décision, capable de la justifier ratione materiae devant le juge. Si l’humain ne peut que valider passivement la recommandation algorithmique, l’AAU devient un acte de pure exécution mécanique, remettant en cause la responsabilité administrative (droit public) et la hiérarchie normative (droit constitutionnel).

2. La crise de l’effectivité : le droit formel vs. le droit substantiel

Le gap d’effectivité est une crise du droit au recours effectif (CEDH Art. 13, principe fondamental reconnu par les lois de la République – PFRLR).

  • Inversion de la charge de la preuve : l’ineffectivité du droit à la transparence force le citoyen à prouver la faute ou la discrimination de l’algorithme, alors qu’il n’a pas accès à l’outil de la preuve. Cela contrevient au principe fondamental d’un procès équitable et de l’accès à la justice (droit public/constitutionnel).
  • La complexité technique comme force majeure administrative : l’invocation de la complexité technique ou du risque de contournement par les administrations n’est pas une simple résistance, c’est une tentative de justification juridique de l’opacité. Si la complexité technique est admise comme une exception valide au droit constitutionnel d’accès, elle crée de facto une nouvelle immunité administrative qui échappe au contrôle démocratique, érodant la crédibilité du système juridique.

II. PERSPECTIVE DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : L’ANTINOMIE DE LA BOÎTE NOIRE

Le conflit entre la transparence constitutionnelle et la protection de la propriété intellectuelle (PI) est l’obstacle technique et légal le plus aigu.

1. Le cœur du conflit : secret des affaires vs. intérêt général

  • La protection de l’algorithme (DPI) : le code source de l’algorithme est protégé à la fois par le droit d’auteur (en tant qu’œuvre logicielle originale) et, surtout, par le secret des affaires (Trade Secret). Le secret industriel protège non seulement le code, mais les critères de décision et les bases de données (souvent des bases de données propriétaires ou des agrégations de données non réplicables), qui confèrent un avantage compétitif ou garantissent l’efficacité (ex: lutte contre la fraude). Rendre ces éléments publics revient à détruire leur valeur économique.
  • Le droit d’accès contre l’exploitabilité : un accès formel au code source, même octroyé (ex: sous conditions de confidentialité), se heurte à la complexité technique. Un code est souvent illisible pour un juriste non spécialisé. Exiger la communication du code pour garantir la transparence revient à exiger la destruction de la PI sans assurer la compréhension. C’est le nœud de l’ineffectivité.

2. La nécessité d’une qualification juridique alternative

Pour résoudre cette antinomie, le droit ne doit pas exiger l’accès au code source, mais l’accès à l’information pertinente sur la logique algorithmique.

  • Théorie de l’explicabilité (DPI/droit public) : l’accent doit être mis sur des obligations de conception (Explainability by Design). La loi doit exiger que l’algorithme génère des « traces d’audit » ou des « justificatifs de décision » qui sont légalement compréhensibles. Ces justificatifs ne violent pas le secret industriel, mais remplissent l’exigence constitutionnelle de motivation et de transparence (droit public).
    • Exemple : Plutôt que de fournir le code de l’IA de tri, fournir la liste des caractéristiques d’entrée qui ont mené au score final et leur pondération relative pour cette décision spécifique.

III. CONCLUSION ET PISTES DE REFONDATION

L’adaptation du constitutionnalisme à l’ère algorithmique passe par une refonte institutionnelle et procédurale.

  1. Institutionnalisation de l’expertise : la proposition de Médiation Algorithmique est la solution structurelle pour transcender le conflit DPI/Transparence. Il faut un Tiers de Confiance (ex: une chambre spécialisée auprès du défenseur des droits ou de la CNIL) avec une double compétence juridique et quantitative capable de :
    1. Recevoir le code source ou la documentation algorithmique sous le sceau du secret professionnel.Traduire les variables et les biais techniques en termes de non-conformité légale (droit à la non-discrimination).
    1. Délivrer une analyse qui soit juridiquement exploitable par le citoyen ou son avocat, sans divulguer le secret industriel.
  2. Prévention par l’évaluation d’impact : l’approche comparée (FRAIA aux Pays-Bas) est la voie la plus prometteuse. Le droit public doit imposer une analyse d’impact sur les droits fondamentaux et les algorithmes (FRAIA)obligatoire et ex ante (avant le déploiement).
    1. Ceci transforme le droit à la non-discrimination d’un droit de recours a posteriori en une obligation de conception préventive (droit public administratif), où l’administration doit prouver la conformité avant de prendre une décision.

La bataille juridique de cette décennie est celle de l’effectivité. Sans ces outils d’ingénierie légale, les droits algorithmiques constitutionnels resteront des droits-fantômes, vidés de leur substance par la barrière technique du DPI.

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