Les droits algorithmiques constitutionnels constituent une nouvelle catégorie de droits fondamentaux qui émergent en réponse aux défis posés par l'utilisation massive des algorithmes dans les processus de décision publique et privée. Ces droits visent à protéger les citoyens dans un contexte d'algocratie croissante.
Fondements constitutionnels émergents
Le Conseil constitutionnel français a déjà reconnu un droit constitutionnel d’accéder aux documents administratifs dans le contexte des algorithmes de Parcoursup, marquant une première reconnaissance jurisprudentielle de droits spécifiques à l’ère algorithmique.
L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) rappelle que « toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution« , ce qui pourrait servir de fondement constitutionnel pour encadrer les algorithmes qui modifient profondément le fonctionnement de la société.
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Principaux droits algorithmiques identifiés
1. Droit à la transparence algorithmique
Les services publics doivent fournir des informations sur les traitements algorithmiques utilisés, cette exigence de transparence découlant d’un principe constitutionnel. Cela inclut l’accès aux codes sources et aux critères de décision.
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2. Droit à l’intervention humaine
Il existe un droit à l’intervention d’un fonctionnaire lorsqu’une décision est prise par un algorithme, garantissant qu’aucune décision importante ne soit entièrement automatisée sans possibilité de recours humain.
3. Droit à la non-discrimination algorithmique
Les systèmes d’intelligence artificielle doivent faire l’objet d’évaluations d’impact sur les droits fondamentaux, particulièrement concernant les risques discriminatoires.
Enjeux de souveraineté constitutionnelle
Le fait qu’une liberté fondamentale comme la liberté d’expression soit désormais régie par des entreprises privées à travers leurs algorithmes plutôt que par des textes constitutionnels représente une migration du pouvoir politique préoccupante. Cela soulève la question d’une « souveraineté algorithmique » concurrente à la souveraineté étatique.
Défis d’effectivité
Des études empiriques révèlent l’ineffectivité du droit d’accès à l’information sur les algorithmes, montrant le décalage entre les droits proclamés et leur mise en œuvre concrète.
Cette observation soulève une problématique fondamentale et notamment le gap d’effectivité entre les droits algorithmiques théoriques et leur application pratique. Ce phénomène illustre parfaitement les limites du constitutionnalisme face aux défis technologiques contemporains.
Les obstacles à l’effectivité
Complexité technique
Le droit d’accès se heurte à la boîte noire algorithmique. Même quand les codes sources sont communiqués, leur compréhension nécessite une expertise technique que la plupart des citoyens ne possèdent pas. L’accès formel ne garantit donc pas l’accès substantiel à l’information.
Résistances administratives
Les administrations peuvent invoquer diverses exceptions : protection du secret industriel, risques de contournement des systèmes, ou complexité technique rendant la communication « impossible ». Ces résistances transforment un droit en parcours d’obstacles.
Limites procédurales
Les procédures d’accès sont souvent longues, coûteuses et découragent les demandeurs. Le droit devient alors théorique pour la majorité des citoyens concernés par les décisions algorithmiques.
Implications constitutionnelles profondes
Cette ineffectivité révèle une crise de la normativité constitutionnelle. Quand un droit constitutionnellement garanti demeure inapplicable, c’est la crédibilité même du système juridique qui est questionnée.
Déséquilibre des pouvoirs
L’opacité algorithmique maintient un déséquilibre où l’administration dispose d’un pouvoir de décision automatisé sans contrôle effectif du citoyen, remettant en cause le principe de séparation des pouvoirs.
Érosion démocratique
Sans transparence effective, comment les citoyens peuvent-ils contester des décisions qui les affectent ? L’algocratie risque de devenir une technocratie opaque, échappant au contrôle démocratique.
Nécessité d’une refondation
Face à cette ineffectivité, plusieurs pistes émergent comme la médiation algorithmique avec la création d’institutions spécialisées pour faciliter l’exercice de ces droits, ou l’obligations de conception pour imposer dès la conception des algorithmes leur explicabilité ou les sanctions renforcées pour durcir les conséquences du non-respect de ces obligations.
Cette situation illustre comment l’algocratie peut vider de leur substance les droits fondamentaux tout en respectant formellement leur existence, posant la question cruciale de l’adaptation du droit constitutionnel à l’ère algorithmique.
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Perspective internationale
Plusieurs pays ont développé des évaluations d’impact algorithmiques formulées explicitement en termes de droits de l’homme, comme l’analyse d’impact sur les droits fondamentaux et les algorithmes (FRAIA) aux Pays-Bas.
Ces droits algorithmiques constitutionnels représentent une adaptation nécessaire du constitutionnalisme à l’ère numérique, visant à préserver l’État de droit face aux défis de l’algocratie. Ils constituent un enjeu majeur pour l’équilibre des pouvoirs et la protection des libertés fondamentales dans nos démocraties contemporaines.