Ces derniers mois, les métaux rares sont au centre de l’attention médiatique, alors qu’auparavant, ils n’étaient traités que dans des publications spécialisées. Les métaux rares représentent aujourd’hui un enjeu fondamental pour la souveraineté des États-Unis. Ces ressources minérales, essentielles aux technologies de pointe, placent Washington dans une situation de dépendance préoccupante vis-à-vis de la Chine. Cette vulnérabilité affecte directement les capacités militaires, technologiques et économiques américaines. Pour contrer cette dépendance, les États-Unis multiplient les initiatives stratégiques, comme le récent accord avec l’Ukraine pour l’exploitation de ses richesses minières. Contrairement à leur appellation, ces métaux ne sont pas tous géologiquement rares. Leur criticité provient plutôt de leur concentration géographique et des complexités techniques liées à leur extraction et leur raffinage, deux domaines où Pékin excelle depuis des décennies.
Les métaux rares, également appelés terres rares, sont un ensemble de 17 éléments chimiques qui partagent des propriétés similaires. Voici la liste des métaux rares :
Les 17 Terres Rares
Lanthane (La)
Cérium (Ce)
Praséodyme (Pr)
Néodyme (Nd)
Prométhium (Pm)
Samarium (Sm)
Europium (Eu)
Gadolinium (Gd)
Terbium (Tb)
Dysprosium (Dy)
Holmium (Ho)
Erbium (Er)
Thulium (Tm)
Ytterbium (Yb)
Lutécium (Lu)
Scandium (Sc)
Yttrium (Y)
Les métaux rares sont utilisés dans de nombreuses applications, notamment :
Les métaux rares sont essentiels pour de nombreuses technologies modernes, notamment les technologies vertes et les dispositifs électroniques. Leur disponibilité et leur prix peuvent avoir un impact significatif sur l’économie et l’industrie.
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Le quasi-monopole chinois sur les terres rares et métaux stratégiques constitue une menace directe pour les intérêts américains. Pékin contrôle 62% de la production minière mondiale et maîtrise l’intégralité de la chaîne de valeur, de l’extraction au raffinage. Plus inquiétant encore, la Chine détient 85% du marché des terres rares légères purifiées et la totalité des terres rares lourdes. Cette mainmise s’est construite grâce à une main-d’œuvre bon marché et des régulations environnementales peu contraignantes.
Les États-Unis importent actuellement 80% de leurs terres rares et minerais critiques de Chine, créant une vulnérabilité stratégique majeure. L’avance technologique chinoise se manifeste également par le dépôt de 25 911 brevets sur les terres rares, contre seulement 9 810 pour les États-Unis. Cette dépendance place Washington dans une position délicate, particulièrement en période de tensions commerciales accrues entre les deux superpuissances.
Les États-Unis et la Chine ont conclu un accord pour reprendre les exportations de métaux rares, notamment les terres rares, vers les États-Unis. Cet accord fait suite à des négociations tendues entre les deux pays, la Chine ayant suspendu ses exportations de certaines terres rares et aimants en réponse aux hausses de droits de douane imposés par les États-Unis.
https://www.conference-board.org/research/global-economy-briefs/china-us-trade-agreement-rare-earth-elements-magnets
Détails de l’Accord
La Chine accepte de reprendre les exportations de terres rares et d’aimants vers les États-Unis.
Les États-Unis s’engagent à lever certaines restrictions sur les exportations vers la Chine, notamment sur les logiciels de conception de semi-conducteurs et les avions.
L’accord vise à apaiser les tensions commerciales entre les deux pays et à sécuriser l’approvisionnement en terres rares pour les industries américaines.
Implications
Sécurisation de l’approvisionnement : Les terres rares sont essentielles pour de nombreuses industries, notamment l’automobile, l’aérospatiale, les semi-conducteurs et la défense.
Réduction des tensions commerciales : L’accord contribue à réduire les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, ce qui pourrait avoir des retombées positives sur l’économie mondiale.
Dépendance à la Chine : Malgré cet accord, les États-Unis restent dépendants de la Chine pour les terres rares, ce qui pourrait continuer à poser des problèmes géopolitiques ¹ ².
L’industrie militaire américaine dépend fortement des terres rares pour maintenir sa supériorité technologique. Un seul avion de combat F35 nécessite plus de 400 kg de matériaux contenant ces précieux éléments. Les systèmes de guidage de précision et l’optronique militaire reposent entièrement sur ces composants irremplaçables.
Les aimants permanents fabriqués à partir de terres rares comme le néodyme et le dysprosium sont 100 fois plus puissants que leurs équivalents traditionnels en fer. Cette propriété exceptionnelle les rend essentiels pour les équipements de communication sécurisée et les technologies de détection avancées. Sans accès fiable à ces ressources, les États-Unis risquent de perdre leur avantage stratégique dans le domaine militaire.
L’accord signé entre Washington et Kiev fin avril 2024 marque un tournant dans la quête américaine d’indépendance en matière de matières premières critiques. L’Ukraine possède un potentiel minier considérable, avec 5% des réserves mondiales de métaux critiques concentrées sur seulement 0,4% des territoires émergés. Le pays détiendrait notamment 20% des ressources mondiales estimées de graphite et 22 des 34 substances qualifiées de critiques par l’Union Européenne.
L’accord américano-ukrainien vise à créer un fonds d’investissement mutuellement égalitaire et équitable, l’Ukraine conservant le contrôle total de ses ressources terrestres et maritimes. Les États-Unis se réservent le droit de déterminer ce qui sera extrait, 50 % des nouveaux revenus d’extraction étant intégrés au budget d’investissement. L’accord stipule également que tous les investissements doivent être effectués exclusivement en Ukraine. Les États-Unis investiront du côté de l’Ukraine pour accélérer la reprise économique. L’Ukraine possède l’une des plus grandes réserves mondiales de minéraux critiques, notamment le manganèse, le titane et le graphite. Les États-Unis s’engageront également à fournir à l’Ukraine des ressources en terres rares, réduisant ainsi sa dépendance à l’égard de la Chine. Cependant, une clause exigeant des garanties de sécurité américaines est absente, ce que les États-Unis insistent pour dire qu’elle aidera à dissuader la Russie de toute nouvelle invasion.
« Minerais ukrainiens : que contient l’accord historique signé entre les Etats-Unis et l’Ukraine ? » Public Senat, 2025
Les gisements ukrainiens comprennent aussi du lithium et diverses autres terres rares indispensables aux industries américaines. Certains de ces sites se trouvent malheureusement dans des zones actuellement occupées par la Russie, notamment dans la région de Donetsk. Selon les termes de l’accord, 50% des redevances issues des nouvelles licences d’exploitation alimenteront un fonds d’investissement commun, sans que l’aide américaine accordée depuis 2022 soit comptabilisée comme dette.
Par malchance, le 27 juin, la Russie a pris le contrôle d’un précieux gisement de lithium dans la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, privant le pays d’un atout essentiel qui aurait pu soutenir un nouveau partenariat économique avec les États-Unis.
Le gisement, situé juste à l’extérieur du village de Shevchenko, dans l’ouest de Donetsk, était considéré par les analystes de l’industrie comme l’un des plus précieux d’Ukraine en raison de sa riche concentration en lithium, un minéral essentiel à la fabrication de technologies de pointe telles que les batteries électriques.
Les États-Unis ont désigné le lithium comme essentiel pour leur économie et leur sécurité nationale. L’administration Trump visait à exploiter les vastes réserves de lithium de l’Ukraine grâce à un accord historique récemment signé, lui accordant un accès privilégié aux richesses minérales du pays.
Cependant, la prise du gisement de Shevchenko met en évidence un problème central de l’accord. Plus les forces russes s’emparent de territoires en Ukraine, moins Kyiv peut offrir de ressources à Washington. Les responsables ukrainiens considèrent cet accord comme un moyen d’assurer le soutien américain à long terme pour leur pays ravagé par la guerre. L’accord fait face à de nombreux obstacles, notamment des procédures d’octroi de licences complexes et des études géologiques obsolètes qui obscurcissent la valeur réelle du sous-sol ukrainien.
Les ambitions climatiques des États-Unis reposent largement sur l’accès aux terres rares et métaux critiques. Les projections indiquent que la demande mondiale pour ces ressources pourrait être multipliée par 2,5 dans un scénario de réchauffement à 4°C, et par 10 dans un scénario limité à 2°C d’ici 2050.
Les véhicules électriques et les éoliennes nécessitent d’importantes quantités de néodyme, dysprosium, terbium et praséodyme pour leurs aimants permanents. Ces composants sont également essentiels pour les batteries, les panneaux solaires et les réseaux électriques intelligents. La réalisation des objectifs climatiques américains dépend donc directement de la sécurisation des approvisionnements en ces matériaux.
Face à la domination chinoise, les États-Unis déploient une stratégie multidimensionnelle pour sécuriser leurs approvisionnements. La réouverture de la mine de Mountain Pass en Californie symbolise la volonté de relancer l‘extraction domestique de terres rares. Les ambitions américaines s’étendent également vers l’international, comme l’illustre l’intérêt manifesté par Donald Trump pour les ressources du Groenland.
USA Rare Earths est verticalement intégrée sur le marché des aimants permanents, Round Top au Texas étant un producteur majeur de minéraux de terres rares lourdes, de dysprosium, de terbium, et plus encore. La société investit dans une usine de transformation au Colorado et a également fabriqué la première mine d’aimants permanents en Oklahoma. La Chine domine actuellement la production de terres rares, mais ne détient que 60 % du marché. L’exploration minière découvre ou confirme d’importantes découvertes de terres rares, Round Top étant un productteur majeur de minéraux de terres rares lourdes, de gallium, de béryllium et de lithium. Les plus grandes réserves de ressources au Wyoming se trouvent à Halleck Creek, classée quatrième au monde.
Cette approche s’inspire d’autres puissances comme le Japon, qui a diversifié ses sources d’approvisionnement suite à un embargo chinois en 2010. Les États-Unis développent également des partenariats stratégiques avec des alliés fiables comme le Canada et l’Australie pour garantir l’accès aux minerais critiques sans dépendre exclusivement de la Chine. En revanche, ces initiatives se heurtent à des contraintes temporelles importantes, puisqu’une nouvelle mine nécessite généralement 10 à 20 ans avant de produire ses premiers minerais.
D’ailleurs, la société minière et métallurgique d’État iranienne, IMIDRO, a découvert 7 000 tonnes métriques de réserves d’antimoine dans huit endroits du pays. La plus importante de ces réserves se trouve au Sistan-et-Baloutchistan, représentant 10 % de l’approvisionnement mondial.
La demande d’antimoine a augmenté en raison de son utilisation dans la fabrication de panneaux solaires et d’équipements militaires. Le prix de l’antimoine est en hausse en raison des restrictions à l’exportation en Chine, qui représente près de la moitié de l’extraction mondiale d’antimoine. IMIDRO a annoncé son premier gisement de minerai de lithium en Iran en février 2023.
Could Iran’s Extremely Rare Mineral Discovery Be Another Incentive for US-Israel War?
L’antimoine est essentiel dans l’électronique, les retardateurs de flamme et la médecine, et son importance croissante dans les énergies renouvelables et l’innovation militaire rend l’entrée de l’Iran sur le marché opportune et judicieuse sur le plan géopolitique.
La Chine domine 50 % de l’extraction mondiale d’antimoine et 80 % de son traitement, mais les récentes restrictions à l’exportation ont fait grimper les prix en flèche.
Les États-Unis financent des efforts d’extraction nationaux, Perpetua Resources recevant un prêt de 1,8 milliard de dollars de l’US Export Import Bank et des subventions du Département de la Défense.
Malgré les dépenses mondiales de défense consacrées à l’antimoine, les dépenses militaires mondiales ont atteint 2,46 billions de dollars en 2024, ce qui rend un approvisionnement sûr indispensable. 90 % de l’approvisionnement mondial provient de la Chine, de la Russie et du Tadjikistan, la mine Polyus de Russie fournissant 20 % des minéraux de terres rares du monde en 2023.
D’autres projets à grande échelle ont été confirmés au Canada, Lynas continuant d’étendre sa ligne de raffinage et la construction d’une autre raffinerie aux États-Unis. La relance métallurgique européenne est lente, avec d’importantes découvertes de terres rares en Scandinavie et des ressources en Allemagne, en Espagne, en France, en Grèce, en Italie, en Pologne, au Portugal, en Roumanie, en Tchéquie et dans les Balkans qui restent inexplorées.
Les pays avec les plus grandes réserves de métaux rares sont :
Il est important de noter que la Chine domine non seulement les réserves mais aussi la production mondiale de métaux rares, représentant environ 80% de la production mondiale. D’autres pays comme l’Australie, les États-Unis et la Birmanie sont également producteurs, mais à une échelle moindre ¹ ².
Le recyclage représente une solution prometteuse pour réduire la dépendance américaine envers les importations de métaux rares. Bien que ces procédés demeurent coûteux et techniquement complexes, ils pourraient constituer une source d’approvisionnement significative à l’avenir. Les investissements dans ce domaine s’intensifient aux États-Unis, portés par la nécessité de sécuriser les chaînes d’approvisionnement.
L’extraction et le raffinage des terres rares génèrent d’importants défis environnementaux, notamment une forte consommation d’eau et des risques de pollution des sols. Le durcissement progressif des normes environnementales en Chine pourrait d’ailleurs réduire l’offre mondiale à court terme. Cette situation pousse les États-Unis à développer des technologies d’extraction plus propres et des méthodes de recyclage innovantes pour concilier sécurité d’approvisionnement et durabilité environnementale.
Sources
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